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Une analyse prospective qui s'appuie sur une large concertation rassemblant l'ensemble des parties prenantes
Lundi 25 octobre 2021, RTE, le gestionnaire de réseau de transport français, organisait une conférence de presse avec présentation de son étude « Futurs énergétiques 2050 ». Après plus de 2 ans de travail de modélisation, d’analyse mais aussi de concertation : ce sont 120 organisations qui auront été concertées, 40 réunions publiques organisées, 1500 pages de documents de cadrage issus des 9 groupes de travail écrites et 4 000 réponses à la consultation publique reçues et analysées.
Des scénarios cadrés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC)
Le cadre de l’étude repose sur la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et l’objectif de neutralité carbone à 2050, objectif qui nécessite de sortir des énergies fossiles, qui représentent 60 % de notre consommation finale d’énergie aujourd’hui soit 930 TWh (voir figure ci-dessous). Dans son scénario de référence, RTE en reprend les hypothèses concernant l’évolution de la consommation : un effort d’efficacité énergétique qui permet de réduire la consommation finale d’énergie de 40 % à 2050 par rapport à aujourd’hui (930 TWh à cet horizon contre 1600 TWh aujourd’hui). Parmi les autres hypothèses structurantes de son scénario de référence, RTE considère le scénario RCP 4.5 du GIEC*, une croissance du PIB de 1,3 %/an, une rémunération du capital fixée à 4 % par an pour toutes les technologies et une augmentation modérée de la population française qui atteindrait 69 millions d’habitants en 2050. Pour chacune de ces hypothèses, RTE a simulé une ou plusieurs variantes.
*Scénario avec un forçage radiatif à 4,5 W/m2 en 2100 correspondant à une hausse modérée puis une stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère avant la fin du XXIème siècle et conduisant à une élévation de la température globale moyenne comprise entre environ 2°C et 3,5°C par rapport à la moyenne observée sur la période 1850-1900.
Consommation d'électricité
Un scénario central de consommation d'électricité à 650 TWh et 6 variantes
RTE souligne la nécessité de recourir massivement à l’efficacité énergétique, voire à la sobriété, pour atteindre la neutralité carbone à 2050 et ce quel que soit le mix électrique développé. L’efficacité énergétique, déjà intégrée à la trajectoire SNBC, représente 200 TWh de baisse de consommation d’électricité du fait des progrès technologiques et de la rénovation des bâtiments. RTE évalue à 90 TWh les réductions de consommation d’électricité supplémentaires atteignables grâce à des mesures de sobriété dans les différents secteurs (voire « variante sobriété » dans le tableau ci-dessous). Malgré cette réduction globale de la consommation d’énergie, la consommation d’électricité va augmenter du fait de l’électrification de nombreux usages (chauffage avec le développement des pompes à chaleur, mobilité avec l’essor du véhicule électrique, de divers procédés industriels, production d’hydrogène…) ceci conduisant à une consommation d’électricité de 645 TWh en 2050 contre 460 TWh en 2020 (et 475 TWh en 2019), soit une croissance moyenne annuelle de 1%. L’électricité représenterait alors plus de la moitié (55%) de la consommation finale d’énergie contre un peu plus du quart aujourd’hui (27%) (voir figure ci-dessous).
Plusieurs variantes sur la consommation ont également été simulées par RTE et sont décrites dans le tableau ci-dessous :
Scénario/Variante
Description
Consommation en 2050
Référence
645 TWh
Sobriété
Plus grande sobriété des usages et consommations sur tous les secteurs
555 TWh
Réindustrialisation profonde
Accroissement part industrie manufacturière dans le PIB pour atteindre 12-13% en 2050
752 TWh
Électrification rapide
Accroissement de la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie plus rapide que dans la SNBC notamment dans le secteur des transports et des bâtiments (chauffage)
700 TWh
Moindre électrification
Accroissement de la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie plus rapide que dans la SNBC en particulier dans l’industrie et le secteur des transports
578 TWh
Efficacité énergétique réduite
Progrès moindres dans l’efficacité notamment dans le bâtiment (rénovation et conversion des dispositifs de chauffage moins rapides)
714 TWh
Hydrogène +
Accélération de la production d’hydrogène décarboné, l’hydrogène se substitue à l’électrification directe ou à l’utilisation de biomasse pour certains usages (mobilité lourde, chaleur industrielle, sidérurgie)
754 TWh
Analyse environnementale
4 enjeux environnementaux ont été étudiés
4 enjeux environnementaux ont été analysé dans l’étude « Futurs énergétiques 2050 » : occupation de l’espace, consommation de ressources minérales, empreinte carbone et volumes de déchets et matières radioactives à gérer. Des analyses complémentaires produites en 2022 porteront également sur les pollutions atmosphériques.
Au maximum 35 000 éoliennes dans les scénarios M et une artificialisation faible au regard de celle liée à l'habitat, aux commerces et aux routes
Sur le premier point, RTE explique que si les scénarios avec plus d’énergies renouvelables conduisent à une artificialisation plus grande, celle-ci restera faible au regard de l’artificialisation liée à l’habitat, aux commerces et aux routes (voir figure ci-dessous). Ainsi, en 2050, l’ensemble du système électrique nécessitera entre 20 000 et 30 000 hectares à comparer aux 1 million d’hectares dédiés au réseau routier. Par ailleurs, une partie des surfaces occupées par les éoliennes et le photovoltaïque au sol pourra permettre des co-usages, notamment avec l’agriculture. Enfin, le nombre de mâts éoliens à développer sur terre est compris entre 25 000 et 35 000 dans les scénarios les plus ambitieux (M0 et M23), soit un niveau comparable à ce qui est déjà installé en Allemagne (29 608 éoliennes fin 2020) pour une superficie plus petite d’environ un tiers par rapport à celle de la France.
Matériaux : des enjeux concentrés sur la mobilité électrique
Sur l’enjeu consommation de ressources minérales dans les différents scénarios, RTE rappelle la complexité de ce sujet tant celles-ci sont variées, chacune présentant une disponibilité, une répartition géographique, une importance économique, une substituabilité par d’autres ressources et des conséquences environnementales pour leur extraction, contrastées. Agréger les ressources consommées en un indicateur unique masque ces disparités et n’a donc qu’un sens limité, elles doivent être appréhendées une à un. L’enjeu principal identifié par RTE réside dans la consommation de certains matériaux jugés critiques* pour les batteries, en particulier les batteries des véhicules électriques (voir figure ci-dessous), ces dernières représentant des volumes de plusieurs milliers de gigawattheures de capacité de stockage contre une petite centaine de gigawattheures au maximum pour les usages stationnaires. Deux matériaux semblent particulièrement critiques au vu de leur importance pour la filière des batteries, de leur faible substituabilité et de la concentration des réserves et du raffinage dans quelques pays : le lithium et le cobalt. La consommation de lithium nécessaire entre 2020 et 2050 pour électrifier 95% du parc de véhicules légers en France est d’un million de tonnes dans le scénario de référence, soit 5% des réserves mondiales connues pour les seuls véhicules électriques français alors même que d’autres industries sont également consommatrices de lithium et que le parc automobile français ne représente environ que 3% du parc automobile mondial, cette part étant amenée à diminuer dans les prochaines décennies. La tension sur la ressource en cobalt apparaît encore plus forte : entre trois cent soixante mille et un million de tonnes seront nécessaires sur la même période selon les technologies de batteries lithium-ion utilisées soit entre 12 et 33 kt/an ce qui représente entre 8,5% et 23,5% de la production mondiale de cobalt de 2019. RTE souligne l’importance de la sobriété (report modal vers les transports en commun ou les modes de déplacement actifs, autopartage, covoiturage, réduction de la taille des véhicules) pour réduire cette consommation de matériaux d’environ 30% (voir figure ci-dessous). RTE analyse également la consommation d’autres ressources structurelles tels le cuivre, l’aluminium, le béton et l’acier et identifie notamment un risque sur l’approvisionnement à moyen terme de cuivre, dont la consommation annuelle entre 2020 et 2050 représenterait entre 6% (scénario N03) et 13% (scénario M0) de la consommation française de cuivre en 2015 pour le système électrique et 19% pour les batteries des véhicules électriques. La tension sur cette ressource provient essentiellement de son importance pour un grand nombre de secteurs de consommation au-delà du seul système électrique (bâtiment, télécommunications, plomberie etc.). Enfin, RTE n’identifie pas de risque d’approvisionnement en uranium à moyen-terme quel que soit le scénario envisagé.
*La criticité est une notion qui croise la rareté d’une ressource au niveau géologique avec son importance économique et stratégique. Est critique une ressource à la fois relativement rare et importante.
Une empreinte carbone du système électrique en diminution dans tous les scénarios malgré l'accroissement de la production d'électricité
Sur l’enjeu des émissions de gaz à effet de serre, l’ACV des différents scénarios montre qu’ils permettent tous de réduire l’empreinte carbone du système électrique qui passerait de 25 Mt CO2 eq en 2019 à une valeur comprise entre 7 à 11 Mt CO2 eq en 2050 (et entre 9 et 15 Mt dans des hypothèses pessimistes sur les technologies) selon les scénarios et ce pour une consommation accrue d’électricité (voir figure ci-dessous). Ainsi, sur les 363 Mt de CO2 eq évités par an à horizon 2050 par rapport aux émissions françaises directes de 2019 selon la SNBC, l’électrification des usages en représentent 148 Mt soit plus de 40% dont 97 Mt pour le seul secteur des transports soit 80% de la décarbonation de ce secteur. La conclusion de RTE est qu’il faut impérativement poursuivre le développement de l’éolien et du solaire pour décarboner notre économie à la fois pour l’électrification des usages et parce que, quel que soit le scénario envisagé, le développement du nouveau nucléaire ne pourra se faire dans des délais suffisamment rapides.
Enfin, RTE analyse des variantes permettant d’accélérer et d’amplifier la décarbonation de l’économie. Dans une première variante, une électrification accélérée des usages à horizon 2030 est envisagée (+33 TWh par rapport au scénario de référence), notamment du secteur des transports avec 13 millions de véhicules électriques en circulation contre 7 millions dans le scénario de référence (soit + 28 TWh pour la charge de ces véhicules) compatible avec le nouvel objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport aux émissions de 1990 adopté par l’Union européenne le 14 juillet 2021 dans son « Pacte Vert ». Dans cette variante, le système électrique pèse pour 33% de la décarbonation totale contre 29% dans le scénario de référence. Cette variante nécessite de disposer d’une production bas carbone suffisante en accélérant le rythme de développement des énergies renouvelables les plus matures et en prolongeant l’exploitation des réacteurs nucléaires existants. De plus, l’analyse de RTE montre qu’une telle variante est compétitive pour décarboner l’économie avec des coûts d’abattement du CO2 inférieurs à la valeur tutélaire du carbone à horizon 2030 (fixée à 250€/tCO2eq évitée suite à la publication du rapport Quinet 2019). Une seconde variante, évalue l’impact d’une industrialisation accrue. La figure ci-dessous montre l’effet de ces variantes sur la trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre en ACV.
Le coût du traitement des déchets nucléaires est bien pris en compte dans l'analyse économique
Concernant le cycle du combustible nucléaire, RTE analyse les différents types de déchets produits par la filière nucléaire, en fonction de leur radioactivité et de leur durée de vie, et les besoins en infrastructure pour les gérer sur le long terme, notamment en termes de coûts générés (voir figure ci-dessous).
Production d'électricité
6 scénarios de production d'électricité : 3 visant le 100 % EnR, 3 avec relance du nucléaire jusqu'à 50 % dans le mix électrique
Quel que soit le scénario envisagé, elle reposera sur un accroissement de la part du renouvelable dans la production d’électricité et des investissements conséquents dans ces moyens de production. Ainsi, même dans le scénario N03, ce sont 65 GW d’éolien et 70 GW de photovoltaïque qui sont installés et raccordés au réseau électrique en 2050. RTE rappelle, qu’indépendamment des choix politiques réalisés, les hypothèses les plus optimistes sur la prolongation du nucléaire actuel et la construction de nouveaux réacteurs, y compris en utilisant des technologies non encore matures industriellement, permettrait d’atteindre un parc nucléaire de 50 GW en 2050 pour une production de 325 TWh, soit environ 50% de la production totale d’électricité dans le scénario de référence (et 60% dans le scénario « sobriété » ou 44% dans le scénario « réindustrialisation profonde »). Par ailleurs, à l’instar de l’étude signée RTE et l’AIE parue en février 2021, il est confirmé qu’un système électrique fonctionnant uniquement avec du renouvelable pour la production d’électricité, permet de garantir une sécurité d’approvisionnement suffisante. Un enjeu identifié par RTE pour se passer de nouveaux réacteurs nucléaires réside toutefois dans le rythme de développement important des moyens de production renouvelables qui deviendrait alors supérieur aux rythmes maximaux d’installations observés chez nos voisins européens (voir figure ci-dessous).
Flexibilités
RTE souligne que des nouvelles flexibilités seront nécessaires dans tous les scénarios. Plus la part de renouvelable sera importante, plus il sera nécessaire de développer des capacités flexibles : maîtrise de la demande, capacités de stockage, centrales thermiques fonctionnant avec du gaz décarboné et interconnexions avec les pays voisins (voir figure ci-dessous).
Concernant les interconnexions, RTE évalue un optimum autour de 39 GW de capacité d’importations (contre 13 GW aujourd’hui) pour une dépendance aux pays voisins 5% du temps pour la sécurité d’alimentation (contre 1% aujourd’hui). Concernant les centrales thermiques, ce sont 30 GW qui devraient être installées dans des scénarios 100% renouvelables, centrales qui ne fonctionneraient que sur une durée restreinte chaque année. Enfin, le système hydrogène (stockage et réseau) devra permettre dans tous les cas de décarboner des secteurs difficiles à électrifier (certains process industriels, le secteur des transports lourds) et devient nécessaire à l’équilibre production-consommation dans les scénarios 100% renouvelables. Finalement, les capacités flexibles varient selon les scénarios avec les invariants suivants : RTE a pris les mêmes hypothèses sur les capacités hydrauliques disponibles, le développement des interconnexions et la flexibilité de la demande dans tous les scénarios. Dans les scénarios sans nouveau nucléaire, l’hydrogène est développé massivement de même que les batteries qui sont d’autant plus nombreuses que la part du photovoltaïque dans la production d’électricité est élevée (voir figure ci-dessous).
Réseaux électriques
Un développement conséquent du réseau de transport dans l'ensemble des scénarios, mais plus important dans les scénarios M
Tous les scénarios étudiés par RTE nécessitent un développement conséquent des réseaux de transport et de distribution notamment pour raccorder les nouvelles productions mais aussi pour les adapter à l’évolution de la consommation électrique et pour remplacer les infrastructures de réseau arrivant en fin de vie. Le dernier schéma décennal de développement des réseaux (SDDR) publié par RTE en 2019 présentait déjà des investissements conséquents à 2035 (33 milliards d’investissement à cet horizon) avec des renforcements notamment d’axes Nord-Sud. Ces investissements devront a minima être maintenus dans tous les scénarios voire s’accélérer et ce d’autant plus que le taux de pénétration des renouvelables s’avéra important (voir figure ci-dessous).
Un besoin d'investissement sur le réseau public de distribution évalué entre 4 et 6 Mds€/an en fonction des scénarios contre 3 aujourd'hui
Pour la première fois, Enedis a également proposé une évaluation des besoins de renforcement du réseau de distribution à horizon 2050 avec des coûts d’adaptation variant du simple au double selon les scénarios (de 2 à 4 milliards d’euros/an sur la période 2020-2050, voir figure ci-dessous). Notons toutefois que les hypothèses d’études conduisant à ces coûts ne sont pas détaillés (y compris dans le rapport complet) et que la complexité des études à mener nécessitera des analyses complémentaires qui seront notamment conduites dans le groupe de travail « long-terme » mis en place par Enedis à partir de novembre 2021.
Défis technologiques et industriels
S’ils semblent surmontables, des défis technologiques existent que ce soit pour atteindre des niveaux de pénétration très élevés du renouvelable que pour le développement de nouveaux réacteurs nucléaires ou pour prolonger les réacteurs existants. Les défis à surmonter sont néanmoins de nature différente. Ainsi, si dans tous les scénarios étudiés la part du renouvelable dans la production d’électricité augmente sensiblement nécessitant la gestion d’un système électrique avec une proportion importante de production non-pilotable, seuls les scénarios « M » et le scénario « N1 » sont concernés par les 4 pré-requis techniques identifiés par RTE et l’AIE dans l’étude publiée en février 2021 du fait des taux de pénétration des énergies renouvelables atteints (supérieurs à 80%), pré-requis nécessitant des efforts de R&D soutenus. Tous les scénarios étudiés exceptés le « M0 » reposent sur la prolongation de certains réacteurs nucléaires au-delà de 50 ans et le « N03 » nécessite même une prolongation au-delà de 60 ans de certains réacteurs, ces prolongations seront soumises à la validation par l’Autorité de Sûreté Nucléaire et nécessiteront des travaux conséquents. Tous les scénarios de la famille « N » reposent sur la construction de nouveaux réacteurs de type EPR 2 dont aucun n’est en fonctionnement à ce jour. Enfin, le scénario « N03 » nécessitent également la construction de petits réacteurs de type « SMR » non encore développés aujourd’hui sur le plan industriel’. RTE conclut que le scénario N2 serait celui présentant le moins de risques technologiques (voir figure ci-dessous).
Coûts
Les dépenses d’investissement à consentir pour le développement du système électrique dans les différents scénarios sont d’environ 750 à 1000 milliards d’euros sur la période 2020-2060, dont environ 500 milliards pour les centrales de production, 250 à 350 milliards pour le réseau électrique et le reste, 0 à 150 milliards, pour les flexibilités (voir figure ci-dessous), soit 20 à 25 milliards d’euros par an à comparer à la moyenne de 13 milliards d’euros par an d‘investissements réalisés au cours de la dernière décennie dans le système électrique français.
En intégrant les coûts du capital, les coûts d’opération et maintenance et de combustibles, le coût complet annuel du système électrique devrait atteindre 60 à 80 milliards d’euros, selon les scénarios, à horizon 2060 (voir figure ci-dessous) soit une hausse de 15 à 40 milliards d’euros par rapport à aujourd’hui mais pour une consommation d’électricité en hausse et une réduction des imports de combustibles fossiles pour un montant du même ordre de grandeur (30 à 40 milliards par an d’euros économisés dont 10 à 15 milliards du seul fait de l’électrification des usages). De plus, la réduction puis l’arrêt du recours aux énergies fossiles tend à stabiliser les prix de l’énergie.
Au final, le coût moyen du mégawattheure consommé passerait d’environ 90€ aujourd’hui à une fourchette comprise entre 90 à 120€ selon les scénarios, soit une hausse maximale de 30%. RTE précise que la construction de nouveaux réacteurs serait pertinente d’un point de vue économique, du moins jusqu’à 40 GW de nucléaire installés en 2050 (scénario N2). En effet, bien que les coûts élevés de construction de ces futures centrales nucléaires conduisent à des coûts de production (en €/MWh) plus élevés que ceux des technologies renouvelables, les scénarios avec nouveau nucléaire apparaissent moins onéreux sous les hypothèses de RTE car ils conduisent à des coûts moindres associés au développement de nouvelles flexibilités (stockage, pilotage de la demande, centrales d’appoint) et de réseau. Notons toutefois que l’hypothèse d’une rémunération du capital à 4 % identique pour chaque technologie ne correspond pas à ce qui est observé actuellement et nécessite un soutien fort de l’État en faveur du nucléaire. Une rémunération proche des niveaux observés actuellement, soit environ 4 % pour les projets renouvelables et le double pour les nouveaux réacteurs nucléaires, conduit à des coûts significativement plus élevés pour le nucléaire que ceux présentés dans la variante principale de RTE et réduit fortement l’écart constaté entre les coûts globaux calculés dans chaque scénario (voir figure ci-dessous). Sous l’hypothèse forte de rémunération du capital à 4% pour l’ensemble des technologies étudiées, la différence de coût entre le scénario N2 et le scénario M23 est d’environ 10 milliards d’euros par an, soit environ 15% des coûts complets. La différence de coûts entre le scénario M23 et le scénario M1 est également d’environ 10 milliards d’euros. RTE conclut enfin à la compétitivité du renouvelable pour la production d’électricité, notamment par des grands parcs au sol, y compris dans un scénario 100% renouvelable, avec la nécessité pour contenir le coût global du système électrique dans ces scénarios de maîtriser les coûts de l’éolien flottant et du système hydrogène (stockage et réseau).
L'équilibre offre-demande est simulé sur l'ensemble de la plaque électrique européenne sur 1000 années différentes
Le moteur de l’étude est un modèle simulant l’équilibre entre production et consommation sur l’ensemble du système électrique ouest-européen pour chaque heure de l’année et ce, pour chaque année entre 2020 et 2060, sous différentes chroniques météorologiques. Au total l’équilibre offre-demande est ainsi simulé sur 1 000 années différentes pour chaque scénario, c’est à dire pour chaque ensemble d’hypothèses. En sortie de ce modèle sont fournies :
Les capacités installées et déclassées chaque année pour chaque technologie de production d’électricité, de stockage ou de flexibilité ainsi que les renforcements de réseau nécessaires ;
Les niveaux de production de chaque technologie de production, de soutirage ou d’injection de chaque technologie de stockage, de consommation pour chaque secteur (résidentiel, tertiaire, industrie, transports, agriculture, énergie), d’importations et d’exportations entre régions et avec les pays voisins sur chaque heure de chaque année ;
Les coûts complets du système électrique déterminés à partir coûts associés aux investissements dans chacune des technologies et à l’utilisation des différents moyens de production, stockage et flexibilités (coûts de combustible, d’opération et maintenance) ;
L’empreinte carbone du système électrique déterminé à partir d’une approche analyse du cycle de vie (ACV) pour chaque technologie représentée dans le modèle ;
D’autres indicateurs socio-environnementaux (surfaces occupées par les infrastructures, pollutions atmosphériques engendrées, consommations de ressources minérales, volumes des résidus issus de la production nucléaire…).
Des scénarios M visant le 100 % renouvelable, et des scénarioS N avec relance du nucléaire
2 Familles de scénario sont étudiées :
dans la famille M, aucun nouveau réacteur nucléaire n’est installé après l’EPR de Flamanville et les réacteurs existants sont fermés à un rythme plus ou moins rapide ;
dans la famille N, au contraire, de nouveaux réacteurs sont installés en France.
Famille M : Dans le scénario M0, la production d’électricité est issue à 100 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2050 alors que dans les scénarios M1 et M23, elle ne l’est qu’en 2060. Ce qui distingue ces 2 scénarios, c’est le type de moyens renouvelables qui est priorisé pour la production d’électricité : renouvelable diffus, faisant la part belle au photovoltaïque dans le scénario M1, renouvelable centralisé avec une plus grande part d’éolien dans le scénario M23.
Famille N : 13 GW de nouveaux réacteurs sont installés en 2050 dans le scénario N1, 23 GW dans le scénario N2 et 27 GW dans le scénario N03, dont 4 GW de réacteurs de petite taille (les « SMR ») avec, de surcroît, une prolongation de certains réacteurs au-delà de 60 ans.
Les productions d’électricité par grande filière sont résumées dans la figure ci-dessous pour chaque scénario étudié à différents horizons.
Concernant l’adaptation aux changements climatiques à venir
Trois types d’impacts sont à prévoir pour les décennies à venir du fait des changements climatiques et ce, quelle que soit la trajectoire d’évolution des émissions de gaz à effet de serre empruntée au niveau mondial. Premièrement, la pointe hivernale de consommation liée au chauffage électrique sera amenée à baisser (d’une dizaine de gigawatts dans le scénario de référence) malgré une électrification croissante du chauffage tandis que la consommation liée à la climatisation en été va augmenter (la pointe estivale pour la climatisation devrait être multipliée par 2). Deuxièmement, les changements climatiques vont affecter la gestion du parc de production hydraulique et nucléaire : gestion différente des stocks hydrauliques du fait d’une fonte des neiges plus précoce et de sécheresses plus fréquentes, plus longues et plus tardives ; arrêt plus fréquent des réacteurs nucléaires construits aux abords des fleuves les plus impactés par le réchauffement climatique. Cette deuxième contrainte influence également la construction des futurs réacteurs, qui devra se faire de préférence en bord de mer ou sur les fleuves les moins impactés. Enfin, l’augmentation de la part du renouvelable variable rend la production d’électricité plus dépendante des conditions météorologiques et déplace les périodes de tension potentielle sur le système électrique des périodes de grand froid aux périodes combinant températures basses et absence de vent, périodes qui nécessiteront plusieurs dizaines de gigawatts de capacités pilotables pour maintenir la sécurité d’alimentation électrique.
Current: Scénarios prospectifs de RTE à horizon 2050-2060
Cadrage de l'étude
Une analyse prospective qui s'appuie sur une large concertation rassemblant l'ensemble des parties prenantes
Lundi 25 octobre 2021, RTE, le gestionnaire de réseau de transport français, organisait une conférence de presse avec présentation de son étude « Futurs énergétiques 2050 ». Après plus de 2 ans de travail de modélisation, d’analyse mais aussi de concertation : ce sont 120 organisations qui auront été concertées, 40 réunions publiques organisées, 1500 pages de documents de cadrage issus des 9 groupes de travail écrites et 4 000 réponses à la consultation publique reçues et analysées.
Des scénarios cadrés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC)
Le cadre de l’étude repose sur la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et l’objectif de neutralité carbone à 2050, objectif qui nécessite de sortir des énergies fossiles, qui représentent 60 % de notre consommation finale d’énergie aujourd’hui soit 930 TWh (voir figure ci-dessous). Dans son scénario de référence, RTE en reprend les hypothèses concernant l’évolution de la consommation : un effort d’efficacité énergétique qui permet de réduire la consommation finale d’énergie de 40 % à 2050 par rapport à aujourd’hui (930 TWh à cet horizon contre 1600 TWh aujourd’hui). Parmi les autres hypothèses structurantes de son scénario de référence, RTE considère le scénario RCP 4.5 du GIEC*, une croissance du PIB de 1,3 %/an, une rémunération du capital fixée à 4 % par an pour toutes les technologies et une augmentation modérée de la population française qui atteindrait 69 millions d’habitants en 2050. Pour chacune de ces hypothèses, RTE a simulé une ou plusieurs variantes.
*Scénario avec un forçage radiatif à 4,5 W/m2 en 2100 correspondant à une hausse modérée puis une stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère avant la fin du XXIème siècle et conduisant à une élévation de la température globale moyenne comprise entre environ 2°C et 3,5°C par rapport à la moyenne observée sur la période 1850-1900.
L'équilibre offre-demande est simulé sur l'ensemble de la plaque électrique européenne sur 1000 années différentes
Le moteur de l’étude est un modèle simulant l’équilibre entre production et consommation sur l’ensemble du système électrique ouest-européen pour chaque heure de l’année et ce, pour chaque année entre 2020 et 2060, sous différentes chroniques météorologiques. Au total l’équilibre offre-demande est ainsi simulé sur 1 000 années différentes pour chaque scénario, c’est à dire pour chaque ensemble d’hypothèses. En sortie de ce modèle sont fournies :
Les capacités installées et déclassées chaque année pour chaque technologie de production d’électricité, de stockage ou de flexibilité ainsi que les renforcements de réseau nécessaires ;
Les niveaux de production de chaque technologie de production, de soutirage ou d’injection de chaque technologie de stockage, de consommation pour chaque secteur (résidentiel, tertiaire, industrie, transports, agriculture, énergie), d’importations et d’exportations entre régions et avec les pays voisins sur chaque heure de chaque année ;
Les coûts complets du système électrique déterminés à partir coûts associés aux investissements dans chacune des technologies et à l’utilisation des différents moyens de production, stockage et flexibilités (coûts de combustible, d’opération et maintenance) ;
L’empreinte carbone du système électrique déterminé à partir d’une approche analyse du cycle de vie (ACV) pour chaque technologie représentée dans le modèle ;
D’autres indicateurs socio-environnementaux (surfaces occupées par les infrastructures, pollutions atmosphériques engendrées, consommations de ressources minérales, volumes des résidus issus de la production nucléaire…).
Des scénarios M visant le 100 % renouvelable, et des scénarioS N avec relance du nucléaire
2 Familles de scénario sont étudiées :
dans la famille M, aucun nouveau réacteur nucléaire n’est installé après l’EPR de Flamanville et les réacteurs existants sont fermés à un rythme plus ou moins rapide ;
dans la famille N, au contraire, de nouveaux réacteurs sont installés en France.
Famille M : Dans le scénario M0, la production d’électricité est issue à 100 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2050 alors que dans les scénarios M1 et M23, elle ne l’est qu’en 2060. Ce qui distingue ces 2 scénarios, c’est le type de moyens renouvelables qui est priorisé pour la production d’électricité : renouvelable diffus, faisant la part belle au photovoltaïque dans le scénario M1, renouvelable centralisé avec une plus grande part d’éolien dans le scénario M23.
Famille N : 13 GW de nouveaux réacteurs sont installés en 2050 dans le scénario N1, 23 GW dans le scénario N2 et 27 GW dans le scénario N03, dont 4 GW de réacteurs de petite taille (les « SMR ») avec, de surcroît, une prolongation de certains réacteurs au-delà de 60 ans.
Les productions d’électricité par grande filière sont résumées dans la figure ci-dessous pour chaque scénario étudié à différents horizons.
Consommation d'électricité
Un scénario central de consommation d'électricité à 650 TWh et 6 variantes
RTE souligne la nécessité de recourir massivement à l’efficacité énergétique, voire à la sobriété, pour atteindre la neutralité carbone à 2050 et ce quel que soit le mix électrique développé. L’efficacité énergétique, déjà intégrée à la trajectoire SNBC, représente 200 TWh de baisse de consommation d’électricité du fait des progrès technologiques et de la rénovation des bâtiments. RTE évalue à 90 TWh les réductions de consommation d’électricité supplémentaires atteignables grâce à des mesures de sobriété dans les différents secteurs (voire « variante sobriété » dans le tableau ci-dessous). Malgré cette réduction globale de la consommation d’énergie, la consommation d’électricité va augmenter du fait de l’électrification de nombreux usages (chauffage avec le développement des pompes à chaleur, mobilité avec l’essor du véhicule électrique, de divers procédés industriels, production d’hydrogène…) ceci conduisant à une consommation d’électricité de 645 TWh en 2050 contre 460 TWh en 2020 (et 475 TWh en 2019), soit une croissance moyenne annuelle de 1%. L’électricité représenterait alors plus de la moitié (55%) de la consommation finale d’énergie contre un peu plus du quart aujourd’hui (27%) (voir figure ci-dessous).
Plusieurs variantes sur la consommation ont également été simulées par RTE et sont décrites dans le tableau ci-dessous :
Scénario/Variante
Description
Consommation en 2050
Référence
645 TWh
Sobriété
Plus grande sobriété des usages et consommations sur tous les secteurs
555 TWh
Réindustrialisation profonde
Accroissement part industrie manufacturière dans le PIB pour atteindre 12-13% en 2050
752 TWh
Électrification rapide
Accroissement de la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie plus rapide que dans la SNBC notamment dans le secteur des transports et des bâtiments (chauffage)
700 TWh
Moindre électrification
Accroissement de la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie plus rapide que dans la SNBC en particulier dans l’industrie et le secteur des transports
578 TWh
Efficacité énergétique réduite
Progrès moindres dans l’efficacité notamment dans le bâtiment (rénovation et conversion des dispositifs de chauffage moins rapides)
714 TWh
Hydrogène +
Accélération de la production d’hydrogène décarboné, l’hydrogène se substitue à l’électrification directe ou à l’utilisation de biomasse pour certains usages (mobilité lourde, chaleur industrielle, sidérurgie)
4 enjeux environnementaux ont été analysé dans l’étude « Futurs énergétiques 2050 » : occupation de l’espace, consommation de ressources minérales, empreinte carbone et volumes de déchets et matières radioactives à gérer. Des analyses complémentaires produites en 2022 porteront également sur les pollutions atmosphériques.
Au maximum 35 000 éoliennes dans les scénarios M et une artificialisation faible au regard de celle liée à l'habitat, aux commerces et aux routes
Sur le premier point, RTE explique que si les scénarios avec plus d’énergies renouvelables conduisent à une artificialisation plus grande, celle-ci restera faible au regard de l’artificialisation liée à l’habitat, aux commerces et aux routes (voir figure ci-dessous). Ainsi, en 2050, l’ensemble du système électrique nécessitera entre 20 000 et 30 000 hectares à comparer aux 1 million d’hectares dédiés au réseau routier. Par ailleurs, une partie des surfaces occupées par les éoliennes et le photovoltaïque au sol pourra permettre des co-usages, notamment avec l’agriculture. Enfin, le nombre de mâts éoliens à développer sur terre est compris entre 25 000 et 35 000 dans les scénarios les plus ambitieux (M0 et M23), soit un niveau comparable à ce qui est déjà installé en Allemagne (29 608 éoliennes fin 2020) pour une superficie plus petite d’environ un tiers par rapport à celle de la France.
Matériaux : des enjeux concentrés sur la mobilité électrique
Sur l’enjeu consommation de ressources minérales dans les différents scénarios, RTE rappelle la complexité de ce sujet tant celles-ci sont variées, chacune présentant une disponibilité, une répartition géographique, une importance économique, une substituabilité par d’autres ressources et des conséquences environnementales pour leur extraction, contrastées. Agréger les ressources consommées en un indicateur unique masque ces disparités et n’a donc qu’un sens limité, elles doivent être appréhendées une à un. L’enjeu principal identifié par RTE réside dans la consommation de certains matériaux jugés critiques* pour les batteries, en particulier les batteries des véhicules électriques (voir figure ci-dessous), ces dernières représentant des volumes de plusieurs milliers de gigawattheures de capacité de stockage contre une petite centaine de gigawattheures au maximum pour les usages stationnaires. Deux matériaux semblent particulièrement critiques au vu de leur importance pour la filière des batteries, de leur faible substituabilité et de la concentration des réserves et du raffinage dans quelques pays : le lithium et le cobalt. La consommation de lithium nécessaire entre 2020 et 2050 pour électrifier 95% du parc de véhicules légers en France est d’un million de tonnes dans le scénario de référence, soit 5% des réserves mondiales connues pour les seuls véhicules électriques français alors même que d’autres industries sont également consommatrices de lithium et que le parc automobile français ne représente environ que 3% du parc automobile mondial, cette part étant amenée à diminuer dans les prochaines décennies. La tension sur la ressource en cobalt apparaît encore plus forte : entre trois cent soixante mille et un million de tonnes seront nécessaires sur la même période selon les technologies de batteries lithium-ion utilisées soit entre 12 et 33 kt/an ce qui représente entre 8,5% et 23,5% de la production mondiale de cobalt de 2019. RTE souligne l’importance de la sobriété (report modal vers les transports en commun ou les modes de déplacement actifs, autopartage, covoiturage, réduction de la taille des véhicules) pour réduire cette consommation de matériaux d’environ 30% (voir figure ci-dessous). RTE analyse également la consommation d’autres ressources structurelles tels le cuivre, l’aluminium, le béton et l’acier et identifie notamment un risque sur l’approvisionnement à moyen terme de cuivre, dont la consommation annuelle entre 2020 et 2050 représenterait entre 6% (scénario N03) et 13% (scénario M0) de la consommation française de cuivre en 2015 pour le système électrique et 19% pour les batteries des véhicules électriques. La tension sur cette ressource provient essentiellement de son importance pour un grand nombre de secteurs de consommation au-delà du seul système électrique (bâtiment, télécommunications, plomberie etc.). Enfin, RTE n’identifie pas de risque d’approvisionnement en uranium à moyen-terme quel que soit le scénario envisagé.
*La criticité est une notion qui croise la rareté d’une ressource au niveau géologique avec son importance économique et stratégique. Est critique une ressource à la fois relativement rare et importante.
Une empreinte carbone du système électrique en diminution dans tous les scénarios malgré l'accroissement de la production d'électricité
Sur l’enjeu des émissions de gaz à effet de serre, l’ACV des différents scénarios montre qu’ils permettent tous de réduire l’empreinte carbone du système électrique qui passerait de 25 Mt CO2 eq en 2019 à une valeur comprise entre 7 à 11 Mt CO2 eq en 2050 (et entre 9 et 15 Mt dans des hypothèses pessimistes sur les technologies) selon les scénarios et ce pour une consommation accrue d’électricité (voir figure ci-dessous). Ainsi, sur les 363 Mt de CO2 eq évités par an à horizon 2050 par rapport aux émissions françaises directes de 2019 selon la SNBC, l’électrification des usages en représentent 148 Mt soit plus de 40% dont 97 Mt pour le seul secteur des transports soit 80% de la décarbonation de ce secteur. La conclusion de RTE est qu’il faut impérativement poursuivre le développement de l’éolien et du solaire pour décarboner notre économie à la fois pour l’électrification des usages et parce que, quel que soit le scénario envisagé, le développement du nouveau nucléaire ne pourra se faire dans des délais suffisamment rapides.
Enfin, RTE analyse des variantes permettant d’accélérer et d’amplifier la décarbonation de l’économie. Dans une première variante, une électrification accélérée des usages à horizon 2030 est envisagée (+33 TWh par rapport au scénario de référence), notamment du secteur des transports avec 13 millions de véhicules électriques en circulation contre 7 millions dans le scénario de référence (soit + 28 TWh pour la charge de ces véhicules) compatible avec le nouvel objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport aux émissions de 1990 adopté par l’Union européenne le 14 juillet 2021 dans son « Pacte Vert ». Dans cette variante, le système électrique pèse pour 33% de la décarbonation totale contre 29% dans le scénario de référence. Cette variante nécessite de disposer d’une production bas carbone suffisante en accélérant le rythme de développement des énergies renouvelables les plus matures et en prolongeant l’exploitation des réacteurs nucléaires existants. De plus, l’analyse de RTE montre qu’une telle variante est compétitive pour décarboner l’économie avec des coûts d’abattement du CO2 inférieurs à la valeur tutélaire du carbone à horizon 2030 (fixée à 250€/tCO2eq évitée suite à la publication du rapport Quinet 2019). Une seconde variante, évalue l’impact d’une industrialisation accrue. La figure ci-dessous montre l’effet de ces variantes sur la trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre en ACV.
Le coût du traitement des déchets nucléaires est bien pris en compte dans l'analyse économique
Concernant le cycle du combustible nucléaire, RTE analyse les différents types de déchets produits par la filière nucléaire, en fonction de leur radioactivité et de leur durée de vie, et les besoins en infrastructure pour les gérer sur le long terme, notamment en termes de coûts générés (voir figure ci-dessous).
Concernant l’adaptation aux changements climatiques à venir
Trois types d’impacts sont à prévoir pour les décennies à venir du fait des changements climatiques et ce, quelle que soit la trajectoire d’évolution des émissions de gaz à effet de serre empruntée au niveau mondial. Premièrement, la pointe hivernale de consommation liée au chauffage électrique sera amenée à baisser (d’une dizaine de gigawatts dans le scénario de référence) malgré une électrification croissante du chauffage tandis que la consommation liée à la climatisation en été va augmenter (la pointe estivale pour la climatisation devrait être multipliée par 2). Deuxièmement, les changements climatiques vont affecter la gestion du parc de production hydraulique et nucléaire : gestion différente des stocks hydrauliques du fait d’une fonte des neiges plus précoce et de sécheresses plus fréquentes, plus longues et plus tardives ; arrêt plus fréquent des réacteurs nucléaires construits aux abords des fleuves les plus impactés par le réchauffement climatique. Cette deuxième contrainte influence également la construction des futurs réacteurs, qui devra se faire de préférence en bord de mer ou sur les fleuves les moins impactés. Enfin, l’augmentation de la part du renouvelable variable rend la production d’électricité plus dépendante des conditions météorologiques et déplace les périodes de tension potentielle sur le système électrique des périodes de grand froid aux périodes combinant températures basses et absence de vent, périodes qui nécessiteront plusieurs dizaines de gigawatts de capacités pilotables pour maintenir la sécurité d’alimentation électrique.
6 scénarios de production d'électricité : 3 visant le 100 % EnR, 3 avec relance du nucléaire jusqu'à 50 % dans le mix électrique
Quel que soit le scénario envisagé, elle reposera sur un accroissement de la part du renouvelable dans la production d’électricité et des investissements conséquents dans ces moyens de production. Ainsi, même dans le scénario N03, ce sont 65 GW d’éolien et 70 GW de photovoltaïque qui sont installés et raccordés au réseau électrique en 2050. RTE rappelle, qu’indépendamment des choix politiques réalisés, les hypothèses les plus optimistes sur la prolongation du nucléaire actuel et la construction de nouveaux réacteurs, y compris en utilisant des technologies non encore matures industriellement, permettrait d’atteindre un parc nucléaire de 50 GW en 2050 pour une production de 325 TWh, soit environ 50% de la production totale d’électricité dans le scénario de référence (et 60% dans le scénario « sobriété » ou 44% dans le scénario « réindustrialisation profonde »). Par ailleurs, à l’instar de l’étude signée RTE et l’AIE parue en février 2021, il est confirmé qu’un système électrique fonctionnant uniquement avec du renouvelable pour la production d’électricité, permet de garantir une sécurité d’approvisionnement suffisante. Un enjeu identifié par RTE pour se passer de nouveaux réacteurs nucléaires réside toutefois dans le rythme de développement important des moyens de production renouvelables qui deviendrait alors supérieur aux rythmes maximaux d’installations observés chez nos voisins européens (voir figure ci-dessous).
RTE souligne que des nouvelles flexibilités seront nécessaires dans tous les scénarios. Plus la part de renouvelable sera importante, plus il sera nécessaire de développer des capacités flexibles : maîtrise de la demande, capacités de stockage, centrales thermiques fonctionnant avec du gaz décarboné et interconnexions avec les pays voisins (voir figure ci-dessous).
Concernant les interconnexions, RTE évalue un optimum autour de 39 GW de capacité d’importations (contre 13 GW aujourd’hui) pour une dépendance aux pays voisins 5% du temps pour la sécurité d’alimentation (contre 1% aujourd’hui). Concernant les centrales thermiques, ce sont 30 GW qui devraient être installées dans des scénarios 100% renouvelables, centrales qui ne fonctionneraient que sur une durée restreinte chaque année. Enfin, le système hydrogène (stockage et réseau) devra permettre dans tous les cas de décarboner des secteurs difficiles à électrifier (certains process industriels, le secteur des transports lourds) et devient nécessaire à l’équilibre production-consommation dans les scénarios 100% renouvelables. Finalement, les capacités flexibles varient selon les scénarios avec les invariants suivants : RTE a pris les mêmes hypothèses sur les capacités hydrauliques disponibles, le développement des interconnexions et la flexibilité de la demande dans tous les scénarios. Dans les scénarios sans nouveau nucléaire, l’hydrogène est développé massivement de même que les batteries qui sont d’autant plus nombreuses que la part du photovoltaïque dans la production d’électricité est élevée (voir figure ci-dessous).
Un développement conséquent du réseau de transport dans l'ensemble des scénarios, mais plus important dans les scénarios M
Tous les scénarios étudiés par RTE nécessitent un développement conséquent des réseaux de transport et de distribution notamment pour raccorder les nouvelles productions mais aussi pour les adapter à l’évolution de la consommation électrique et pour remplacer les infrastructures de réseau arrivant en fin de vie. Le dernier schéma décennal de développement des réseaux (SDDR) publié par RTE en 2019 présentait déjà des investissements conséquents à 2035 (33 milliards d’investissement à cet horizon) avec des renforcements notamment d’axes Nord-Sud. Ces investissements devront a minima être maintenus dans tous les scénarios voire s’accélérer et ce d’autant plus que le taux de pénétration des renouvelables s’avéra important (voir figure ci-dessous).
Un besoin d'investissement sur le réseau public de distribution évalué entre 4 et 6 Mds€/an en fonction des scénarios contre 3 aujourd'hui
Pour la première fois, Enedis a également proposé une évaluation des besoins de renforcement du réseau de distribution à horizon 2050 avec des coûts d’adaptation variant du simple au double selon les scénarios (de 2 à 4 milliards d’euros/an sur la période 2020-2050, voir figure ci-dessous). Notons toutefois que les hypothèses d’études conduisant à ces coûts ne sont pas détaillés (y compris dans le rapport complet) et que la complexité des études à mener nécessitera des analyses complémentaires qui seront notamment conduites dans le groupe de travail « long-terme » mis en place par Enedis à partir de novembre 2021.
S’ils semblent surmontables, des défis technologiques existent que ce soit pour atteindre des niveaux de pénétration très élevés du renouvelable que pour le développement de nouveaux réacteurs nucléaires ou pour prolonger les réacteurs existants. Les défis à surmonter sont néanmoins de nature différente. Ainsi, si dans tous les scénarios étudiés la part du renouvelable dans la production d’électricité augmente sensiblement nécessitant la gestion d’un système électrique avec une proportion importante de production non-pilotable, seuls les scénarios « M » et le scénario « N1 » sont concernés par les 4 pré-requis techniques identifiés par RTE et l’AIE dans l’étude publiée en février 2021 du fait des taux de pénétration des énergies renouvelables atteints (supérieurs à 80%), pré-requis nécessitant des efforts de R&D soutenus. Tous les scénarios étudiés exceptés le « M0 » reposent sur la prolongation de certains réacteurs nucléaires au-delà de 50 ans et le « N03 » nécessite même une prolongation au-delà de 60 ans de certains réacteurs, ces prolongations seront soumises à la validation par l’Autorité de Sûreté Nucléaire et nécessiteront des travaux conséquents. Tous les scénarios de la famille « N » reposent sur la construction de nouveaux réacteurs de type EPR 2 dont aucun n’est en fonctionnement à ce jour. Enfin, le scénario « N03 » nécessitent également la construction de petits réacteurs de type « SMR » non encore développés aujourd’hui sur le plan industriel’. RTE conclut que le scénario N2 serait celui présentant le moins de risques technologiques (voir figure ci-dessous).
Les dépenses d’investissement à consentir pour le développement du système électrique dans les différents scénarios sont d’environ 750 à 1000 milliards d’euros sur la période 2020-2060, dont environ 500 milliards pour les centrales de production, 250 à 350 milliards pour le réseau électrique et le reste, 0 à 150 milliards, pour les flexibilités (voir figure ci-dessous), soit 20 à 25 milliards d’euros par an à comparer à la moyenne de 13 milliards d’euros par an d‘investissements réalisés au cours de la dernière décennie dans le système électrique français.
En intégrant les coûts du capital, les coûts d’opération et maintenance et de combustibles, le coût complet annuel du système électrique devrait atteindre 60 à 80 milliards d’euros, selon les scénarios, à horizon 2060 (voir figure ci-dessous) soit une hausse de 15 à 40 milliards d’euros par rapport à aujourd’hui mais pour une consommation d’électricité en hausse et une réduction des imports de combustibles fossiles pour un montant du même ordre de grandeur (30 à 40 milliards par an d’euros économisés dont 10 à 15 milliards du seul fait de l’électrification des usages). De plus, la réduction puis l’arrêt du recours aux énergies fossiles tend à stabiliser les prix de l’énergie.
Au final, le coût moyen du mégawattheure consommé passerait d’environ 90€ aujourd’hui à une fourchette comprise entre 90 à 120€ selon les scénarios, soit une hausse maximale de 30%. RTE précise que la construction de nouveaux réacteurs serait pertinente d’un point de vue économique, du moins jusqu’à 40 GW de nucléaire installés en 2050 (scénario N2). En effet, bien que les coûts élevés de construction de ces futures centrales nucléaires conduisent à des coûts de production (en €/MWh) plus élevés que ceux des technologies renouvelables, les scénarios avec nouveau nucléaire apparaissent moins onéreux sous les hypothèses de RTE car ils conduisent à des coûts moindres associés au développement de nouvelles flexibilités (stockage, pilotage de la demande, centrales d’appoint) et de réseau. Notons toutefois que l’hypothèse d’une rémunération du capital à 4 % identique pour chaque technologie ne correspond pas à ce qui est observé actuellement et nécessite un soutien fort de l’État en faveur du nucléaire. Une rémunération proche des niveaux observés actuellement, soit environ 4 % pour les projets renouvelables et le double pour les nouveaux réacteurs nucléaires, conduit à des coûts significativement plus élevés pour le nucléaire que ceux présentés dans la variante principale de RTE et réduit fortement l’écart constaté entre les coûts globaux calculés dans chaque scénario (voir figure ci-dessous). Sous l’hypothèse forte de rémunération du capital à 4% pour l’ensemble des technologies étudiées, la différence de coût entre le scénario N2 et le scénario M23 est d’environ 10 milliards d’euros par an, soit environ 15% des coûts complets. La différence de coûts entre le scénario M23 et le scénario M1 est également d’environ 10 milliards d’euros. RTE conclut enfin à la compétitivité du renouvelable pour la production d’électricité, notamment par des grands parcs au sol, y compris dans un scénario 100% renouvelable, avec la nécessité pour contenir le coût global du système électrique dans ces scénarios de maîtriser les coûts de l’éolien flottant et du système hydrogène (stockage et réseau).